Expo “L’esprit français – Contre-cultures” à La Maison Rouge à Paris.

Exposition « L’esprit français Contre-cultures, 1969-1989 » à La Maison Rouge à Paris.
Quel chahut et quelle énergie à la Maison Rouge avec ce large pan des contre-cultures, des années post-68 à la chute du mur de Berlin, en 1989. Affiches, revues, disques, tracts, œuvres d’art, tout se mêle dans cette expo menée par les commissaires aguerris Guillaume Dessange et François Piron. Des peintures de Michel Parmentier aux unes d’Hara-Kiri, des photographies de Pierre Molinier aux dessins de Pierre Klossowski, d’une sculpture-guillotine de Michel Journiac aux toiles bleues de Jacques Monory, en passant par les fresques vitaminées de Kiki Picasso ou l’installation de Claude Lévêque en hommage à la musique de Bérurier Noir, on navigue bien entre nostalgie et plaisirs.
Définir ce que serait l’« esprit français » d’un point de vue essentialiste et fermé, qui flirterait avec la notion problématique d’« identité française », constitue un danger qu’évitent aussi bien les auteurs de l’ouvrage que l’exposition du même nom, tout aussi intéressante dans son contenu et son accrochage. Les dates retenues (1969-1989) reviennent sur une histoire qui a trop souvent été cloisonnée dans les clichés d’une opposition entre d’un côté l’esprit joyeux et contestataire des années 1970 et de l’autre côté « le repli sur soi, le renoncement politique ». Or, pour reprendre les propos des commissaires et éditeurs de l’ouvrage, « l’après-68 français est un mélange trouble d’innocence perdue et de désespoir suite à l’enterrement de première classe des utopies des années 1960, lorsque l’horizon du Grand Soir se mue en révolution individuelle, puis individualiste ». D’une grande richesse documentaire et iconographique et avec de nombreux textes foisonnants, l’ouvrage permet de dresser un panorama des formes de contestation qui marquent au niveau politique et social la période post-68. L’esprit français dépeint ici est impur, « peuplé d’immigrés et de déserteurs, d’électrons libres et mobiles, de figures décalées », aux filiations multiples qui se dressent en filigrane : le Marquis de Sade, les Surréalistes, les Situationnistes, Antonin Artaud ou Jean Genet. Les tensions, les contradictions et les efforts de poursuivre l’esprit contestataire de 68 tentent d’infléchir de façon plus durable les institutions. L’école et la pédagogie, l’université telle qu’elle s’expérimente à Vincennes, la psychanalyse et la sexualité sont autant de cibles où s’exerce l’esprit de contestation, de subversion et de lutte contre l’idéologie dominante. D’emblée, ce n’est pas un chemin uniforme qui se dessine mais une multiplicité de voix dissidentes. Aussi suivons-nous le mouvement féministe ou le FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire) mais aussi les voix proposant de sortir du clivage des discours en vogue. Le livre à charge d’Annie Lebrun, Lâchez tout, par exemple, « critique un assèchement et une désincarnation des relations hommes-femmes proposées par le féminisme doctrinal ».
Liens :
https://archives.lamaisonrouge.org